Aujourd’hui j’ai 39 ans. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu plein de messages fesses bouquiens. ‘’Bonne Fête. Bisous.’’ Ça ne veut rien dire. C’était peut-être demain. Cette insipide incertitude réconfortante n’était pas sans me déplaire, comme le vent. Ce vent tiède, fétide et endormi, poussait une nuée de mouches mortes contre la fenêtre. Flash, fasciné, guettait le petit coin de réel démasqué périodiquement par le retour en arrière de la vie. Sans motif, je me secouai soudain, appuyai mes mains sur le bord de mon bureau et me levai. Au passage, je fis grincer la lame grinçante du parquet et fermai la porte silencieusement pour compenser. Je descendis l’escalier, me retrouvai dehors et ma tête reçut la pluie visqueuse comme le sang coulant quotidiennement de l’humanité mourante. Je marchai jusqu’aux abords du lac Sainte-Marde à travers l’herbe rouge du pays.
La République Démocratique du Québec coulait en flamme au milieu du lac Sainte-Marde pendant que je descendais au fond des bouteilles. Imbibé dans mes phrases, je glissais, fantôme, dans les eaux névrosées du fleuve agité et je découvrais, dans ma dérive éthylique, le dessous des surfaces et l’image renversante et renversée d’un pays englué. Entre l’anniversaire de la révolution tristement tranquille et la date de mon exécution, j’avais le temps de divaguer en paix sur les flots alcoolisés de mon humble prose, de déplier avec minutie mon âme fripée et flétrie et d’étaler avec mon clavier sur ton écran les mots clés qui ne déverrouilleront pas les cadenas de la bêtise humaine.
Le problème restait entier avec cette stupidité, de plus, la Belle Province ne détenait pas le monopole de la bêtise humaine. Cette salope régnait partout en reine et maîtresse. Il fallait combattre le feu par le feu. Flash Gordon s’est acheté un lance-flammes, ça c’était seulement pour allumer les bougies de mon gâteau d’anniversaire.